Nouvelles de Abdelkaher Hajjari
Traduites par
Fathia Hizem
(Tunisie)
Galilée
Au café, la fumée des cigarettes formait un brouillard…on respirait mal. Un homme chic sirotait un café noir. Il jeta sur moi un regard hagard… il se leva… vint vers moi et me demanda poliment :
-- Puis-je vous demander quelque chose ?
-- Bien sûr, monsieur.
-- La terre est-elle vraiment ronde ? Tourne-t-elle vraiment ?
Sa question me surprit, puis sortant de ma stupeur, je répondis :
-- Ca va de soi. C’est une vérité scientifique.
--Je sais. Et je sais aussi que Galilée a payé de sa vie pour avoir clamé tout haut cette affirmation.
-- Où est donc le problème ?
-- Excusez-moi monsieur, il n’y a point de problème, je voulais juste m’en assurer.
Interrogatoire
Deux d’entre eux me tenaient. Ils étaient costauds. Le troisième se tenait à gauche de la banquette arrière de la petite voiture. Il a attendu qu’on m’y fourre de force. Un quatrième ouvra la porte arrière droite de la voiture et prit place à côté de moi tout en prenant soin de bien fermer les portières. Les deux premiers s’assirent devant et la voiture partit dans une course folle.
Dans une pièce à peine éclairée, l’un d’eux rédigeait un procès… deux autres me regardaient avec haine alors que le quatrième commença à poser des questions auxquelles je répondais.
« De quelle couleur es-tu ?
-- Ca se voit sur ma peau.
-- Réponds clairement.
-- Brun …ou blanc… en quoi ça vous regarde ?
-- A quoi penses-tu ?
-- Au bien.
-- Et ton cœur ?
-- Il y a de l’amour dedans.
-- Dans tes veines, qu’y a-t-il ?
-- Un sang chaud.
Il feint un rire, puis cria :
--Ta tête nous la ferons sauter… ton cœur… on le changera… On te donnera le cœur d’un âne… Nous insufflerons un sang pollué dans tes veines. Quant à ta couleur, tu seras défiguré ».
Ils m’accrochèrent avec des cordes et me brûlèrent.
Pensée
Elle est belle, celle que j’ai vue dans le bus. Elle s’assoit près de moi… me demande l’heure…m’amène à parler du temps, de la chaleur, de la brise qui souffle d’un moment à l’autre, surtout la nuit… On parle aussi de la pollution qui envahit tout …Nous descendons à la même station, nous nous dirigeons vers la même rue. Nous parlons aussi de la vie, du travail, de l’amour et de la mort. A chaque coin de rue, je la suis et elle marche avec moi du même pas. Je lui demande : « Comment se fait-il qu’on se connaisse aussi bien ?
Elle répond : « J’ai le pressentiment que tu ne m’es pas étranger.
-- Pourrions nous devenir amis ?
-- Peut-être même plus.
-- Je te veux pour moi seul.
Elle rit et prends une autre rue. Je la suis. Elle m’en empêche fermement.
Je lui demande la raison de sa colère, elle m’ignore.
Je lui demande son nom. Elle répond : « Pensée, … et toi Roc. Quand tu auras domestiqué ton moi, tu sauras me retrouver ».
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