LE PUIT NUMERO 100
Nouvelle De Houcine Filali
Traduit de l’arabe par Dr Rabeh Sebaa
Ecrivain sociologue de Langue Française.
-Et si cela s’était réellement produit et que tu étais devenu roi?
-Cela m’a effectivement traversé l’esprit et j’ai vu la ville se réveiller, contrairement à ses habitudes, avec d’autres yeux. Les gens se dirigeaient tous vers un lieu inconnu. Je me trouvais parmi eux et me sentais incapable de pouvoir résister à ce désir. La couronne bougeait sur ma tête et en signe de respect, les gens s’inclinaient devant moi et m’acclamaient. Comme pour chaque nouveau roi, ils me disaient : « Nous t’avons choisi et accepté comme notre roi!»
A ce moment une idée me traversa l’esprit. Je réalisai le sens de la puissance et me suis dit qu’un simple signe de ma part est en mesure d’anéantir toute cette populace qui m’entoure. De l’écraser comme une vulgaire colonie de fourmis!
*****
Une voiture rutilante, de couleur noire s’arrêta sur le boulevard de La Liberté. Une femme, outrageusement belle, tenant un chien, comme ceux qu’on importe de pays lointains, descendit. Elle le posa délicatement sur le bord du trottoir. Le chien leva gauchement sa patte droite et urina. Des corps se mirent à bouger sous un tas de cartons. Puis des têtes livides pointèrent brusquement comme si elles sortaient de quelques carapaces de tortues. Ils essuyèrent rapidement leur visage et revinrent subitement à la moiteur cartonnée de leur cachette de fortune. Ils reprirent leur position initiale, se confondant avec le trottoir. Le chien sursauta et se dirigea vers sa maîtresse en glapissant énergiquement. Il s’agrippa à sa jambe nue en remuant. Elle se pencha légèrement et l’attira vers sa poitrine, tout en lui offrant un morceau de chocolat.
Dès qu’elle sentit son caniche rassuré, elle se mit à crier et à injurier en langue étrangère. Un agent de la circulation accourut et s’inclina devant elle avec déférence avant d’essayer de calmer le chiot. Il lui caressa douillettement le dos et la queue. La dame lui désigna prestement le tas de cartons sur le trottoir. Il sortit instinctivement son gourdin et se mit à donner des coups de pied et des coups de poings dans le tas. Les corps qui se trouvaient sous les cartons s’éparpillèrent. Fuyant dans tous les sens. Terrorisés comme des rats surpris par un gros chat.
Le torse bombé et le gourdin ostentatoirement brandi, le policier revint vers la dame au caniche, empoignant fermement un vieillard qu’il présenta à la belle. Elle le toisa avec dédain:
-Demande des excuses à Mimi! lui dit-elle.
-Pardon madame, mais je ne vois pas d’autre dame que vous ici!
-Qu’est-ce que cette insolence ?
Le policier fit voler son gourdin avant de le poser sur le visage du vieux, tout en lui lançant:
-N’entends-tu pas ce que te dit la respectable dame ?
-Mais...
-Refuses-tu de présenter tes excuses à Mimi ? Fit le policier encore plus menaçant.
-Non monsieur, mais je la cherche.
Il fit mine de regarder à droite et à gauche.
-Mais que cherches-tu pauvre bougre?
-Je cherche madame Mimi!
• Elle est devant toi espèce de vieux fou ! répondit le policier en lui assenant un violent coup de pied.
*****
Continuant dans les pérégrinations de mon imagination, je me suis vu approcher du policier, lui tirant l’oreille tout en lui assenant d’un ton impératif:
-Ne sais-tu pas que cette ville a choisi un roi qui ne tolère aucune injustice envers qui que ce soit!
-Mais qui es-tu? demanda le policier.
-Ignores-tu qui je suis?
Le policier ricana à pleines dents tout en se débarrassant de ma main posée sur sa manche. il brandit son gourdin grisâtre et l’abattit sur ma tête avec fracas. Une fois allongé sur le sol il me gratifia d’un coup de pied sut le postérieur qui me fit voir des étoiles de toutes sortes. A ce moment, je vis Mimi se métamorphoser en un énorme serpent qui m’avala d’un trait.
Une fois au commissariat, ils s’empressèrent de prélever des échantillons de chair de mon nez et de ma langue. Ils les ont présentés au médecin légiste. Après un examen sommaire, ce dernier confirma qu’ils étaient porteurs d’une maladie contagieuse extrêmement dangereuse. Il écrivit au dos du dossier en grosses lettres rouges : A mettre au puits n°100.