BAPTEME SUR TROMPE

Nouvelle de Hocine filali

Traduit de L’arabe par Dr Rabah Sbaa

Certains disent sept. d’autres vingt, d’autres, encore, affirment qu’ils sont vingt sept, mais Dieu seul en connaît le nombre exact. Sur leurs épaules, ils avaient, bien cramponnée, leur pioche et autour de leur cou un fil sur lequel pendait visiblement leur téléphone mobile. Ils sortent de nuit, ils ratissent minutieusement les rues de la ville et si l’un d’eux aperçoit un terrain vague, un terrain nu ou un terrain qui donne l’air d’être inoccupé, il le marque aussitôt d’un signe particulier et se met immédiatement à creuset. En largeur et en profondeur.
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La terreur s’est emparée de la cité. Les femmes enceintes, prises de contractions subites et inattendues, se mettent soudainement à avorter. Les enfants sont claquemurés et n’osent plus mettre le nez dehors. Des tumeurs persistantes mais contradictoires se télescopent dans un brouhaha touffu. On dit qu’ils sont les survivants de l’ère de Salomon ou alors qu’ils sont les miraculés de “ yajouj et majouj “ ou encore qu’ils incarnent des esprits malfaisants sous l’aspect de chauve-souris. Il s’est dit tant et tant de choses. Il s’est dit tellement de choses...
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Les habitants de la ville se sont, alors, décidés d’aller faire part de leur inquiétude au Gouverneur:
-Laissez-les, ils ne vous feront aucun mal, leur répondit-il.
-Votre majesté, nos domiciles ont été sérieusement endommagés car ces gens-là ne font que creuser. Ils creusent dans tous les sens. Ils creusent sans arrêt.
-Ils ne vous feront aucun mal vous dis-je, leur répondit encore une fois le Gouverneur, avec fermeté mais visiblement irrité.
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Un jour, un inconnu vint leur annoncer qu’il avait enregistré une communication téléphonique qui révélait le secret de la cité. Il leur proposa de l’écouter:
-Allô!
-Oui, j’écoute!
-Vois-tu ce que je vois?
-Et que vois-tu?
-Le sang gicle avec force du sol. Là où je creuse!
-Ah oui?
-Et sens-tu ce que je sens ?
-Que sens-tu?
-Une odeur de musc!
-Ah ! Bon.
-Attends, quelqu’un s’approche de moi!
-Qui est-il?
-Il porte un vieil uniforme militaire, tout usé.
-Méfiez-vous de lui!
-Son pied et sa main saignent.
-Que dis-tu?
-Il a la même couleur que le sang qui fuse de la terre que nous creusons.
-Moi aussi, je vois ce que tu vois!
-Et vois-tu la même couleur?
-En effet!
-Et sens-tu la même odeur?
-Je sens effectivement la même odeur!
-L’homme porte un anneau à la main.
-Il s’approche de moi de plus en plus!
-Le reconnais-tu?
-Attends, je crois que c’est Lotfi ! Non, non, Si El Houas ! Non, non il se multiplie, il s’est dédoublé, il a quadruplé... Aïe !! il m’a baptisé avec son sceau sur la trompe. Aïe! Aïe !...
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Au petit matin, la cité s’est réveillée devant le tableau d’une multitude de corps humains portant l’empreinte d’un cachet au front et plantés connue des piquets sur le sol. Il y avait parmi eux, le Gouverneur de la ville, le représentant local, le sénateur et le député ainsi que des personnalités civiles et militaires.
Ce qui a retenu le plus l’attention des habitants de la ville, c’est l’attitude peu coutumière des autorités locales. En effet et contrairement à leurs habitudes, celles-ci s’empressèrent d’enterrer et d’enfouir les têtes estampillées des cadavres. Mais malgré leur effort on remarqua que la terre rejetait instantanément et invariablement les cadavres hors de leur sépulture.